Le galérien, c'est celui qui a un boulot un peu naze, quand il en a un. C'est le gars qui ne mange que des nouilles instantanées et des céréales premier prix, d'abord parce que c'est pas cher, et puis parce qu'il adore ça. Surtout que ça lui permet d'économiser pour payer sa tournée au bar le soir même. C'est simple, le galérien il n'a pas grand chose, mais ça lui suffit. Évidemment, il ne cracherait pas sur quelques dollars de plus dans le mois ou sur quelques mètres carrés supplémentaires dans son t2, mais qu'importe. Il sait que ce n'est qu'une passe et qu'un jour, il aura une vie idéale et sera aussi heureux que l'accompli. Donc pour l'instant il fait de son mieux, qu'importe si son dos est ruiné par ce matelas trop vieux ou s'il a mal au crâne au boulot ce matin à cause de sa cuite de la veille. Le galérien c'est comme un ananas, il prend son temps pour mûrir, et un jour, tous ces petits sacrifices du quotidien porteront leurs fruits.

Le carriériste dort, mange, pense, respire boulot. Pour lui, le plus important est de réussir professionnellement parlant. Il est très organisé et optimise chaque seconde de son temps sur son smartphone de la marque à la pomme parce que le temps, c'est de l'argent. S'il est stable financièrement - parce qu'il checke son compte en banque au moins quatre fois par jour - ce n'est pas forcément le cas au niveau de ses relations. S'il n'oublie pas de te souhaiter un bon anniversaire, venir le fêter avec toi sera plus compliqué, sauf si quelque chose a été prévu plus de quarante-huit heures à l'avance. Le carriériste, il a la tchatche, il sait ce qui est bon pour lui et ce qui ne l'est pas. Même si la majorité est bien pensante, fais quand même attention aux quelques opportunistes dans le lot, qui n'hésirteront pas à profiter de toi ; c'est la jungle, par ici.

Le passionné c'est l'artiste du coin, là-bas. Qu'il ait du talent ou non, il ne vit que pour ce qu'il aime, et souhaite que tout le monde reconnaisse enfin son travail. Il y croit, il fait tout pour y arriver, et compte bien pouvoir vivre de sa passion un jour, peu importe combien de temps ça prendra. Il ne roule pas forcément sur l'or, mais il est déterminé à réussir, et il fera tout pour pouvoir y arriver. Pour l'instant, le passionné partage son temps entre son boulot à mi-temps et son art. On le retrouve souvent sur les marchés le dimanche matin à vendre ses tableaux et à dessiner les gens pour quelques dollars, dans les soirées karaoké dans l'espoir qu'un producteur le repère dans le lot, ou encore à jouer de la guitare à la station Montgomery du métro de la ville. Si tu croises le passionné dans la rue et que tu veux lui faire plaisir, arrête-toi quelques minutes pour voir ce qu'il fait, ça pourrait lui faire sa journée.

Travailler n'est pas la tasse de thé du fond du trou, d'ailleurs il n'en boit pas, non. Son truc c'est plutôt la bière pas chère, calée dans sa main droite, la gauche dans un paquet de chips et le reste de son corps enfoui dans son canapé défraîchi à mater un match de basket-ball, quand sa facture d'électricité est miraculeusement à jour. D'un père travailleur ou bien jumeau de son fils, on lui a jamais vraiment forcé à mettre la main à la pâte. Et maintenant, il est dans la merde. Il a ses propres manières de survivre à San Francisco, soit il tape de l'argent à ses parents, soit il passe son temps près d'une boulangerie pour renifler les bonnes odeurs de pain chaud et attendre gentiment les piécettes des passants tomber dans son chapeau. Il est un peu comme une myrtille, il pousse là où il peut mais il cherche pas forcément la lumière, pour l'instant il cherche juste à sortir de son trou.

L'accompli aime la vie, sa vie. Il s'y plait bien, pas trop d'emmerdes, pas trop d'ennuis, il est constamment sur une barque qui l'emmène au paradis ~ C'est le genre de personnes organisées, qui planifient tout : les études, les sorties, les dépenses, tout y passe. Il gère sa vie comme un métronome, tout va dans son sens et il se voit déjà confortablement installé avec sa petite famille si ce n'est pas encore le cas, ou célibataire coureur de jupons ou coureuse de cravates. Généralement propriétaire d'un petit pavillon ou au moins d'un appartement avec balcon, il n'est pas rare de voir l'accompli sortir avec ses gants de jardinage et arroser son potager miniature, parait-il que ça le détend. Bref, il est un peu comme le raisin qu'on transforme en vin, quelques années encore et il sera un millésime, s'il ne l'est pas déjà !

Le procrastinateur remet toujours tout au lendemain. Il n'a pas vraiment de priorités dans la vie, tant qu'il s'amuse et qu'il n'a pas trop de responsabilités, tout roule pour lui. C'est le genre de personnes qui t'envoie un message à 15h pour te demander si t'es libre pour faire les boutiques parce qu'il s'ennuie, alors que toi t'es en train de scanner les articles de la vieille de ton quartier qui en profite pour te parler de son arthrose. Le procrastinateur ne fait pas grand chose de sa vie, mais ça lui plait bien. En général, Papa et Maman sont plutôt cool et aisés et aident le procrastinateur à procrastiner d'autant plus, "parce qu'il faut profiter de sa jeunesse," etc etc. Du coup, ça ne l'aide pas à sortir de son flegme légendaire. Mais tout comme le galérien, le procrastinateur sait que ce n'est qu'une passe de sa vie, et qu'un jour il se lancera pour de bon dans la vie active. Mais pas aujourd'hui, y a du foot à la télé.